Équinoxe observe avec inquiétude les débats parlementaires autour de la “Loi Sécurité Globale”. Nous considérons qu’en l’état actuel de la rédaction de ce texte, ses dispositions font peser une menace sérieuse sur l’effectivité des droits humains et des libertés individuelles, mais aussi – et surtout – sur la capacité des militant·es à agir librement, à s’exprimer et à agir contre les abus de toutes sortes, dans une République où la liberté est pourtant une valeur cardinale.
Analyse du texte
Le principe de cette loi est d’établir un “continuum de sécurité”. Elle prévoit notamment :
- Le renforcement les compétences des polices municipales pour certains délits,
- Le recours aux forces de sécurité privée pour des missions de surveillance,
- La généralisation des caméras de vidéosurveillance (notamment l’utilisation de drones par la police).
La loi est discutée à l’heure où se développent les technologies de reconnaissance facile. En généralisant l’usage des drones, la loi permettra à la police d’utiliser des drones pour surveiller nos manifestations, et en particulier les Marches des Fiertés LGBTI. Mais aussi, demain : certains lieux de rencontre, des lieux de travail des travailleuses et travailleurs du sexe, ou encore à l’encontre des usagères et usagers de drogue ? Nous doutons donc, pour rester optimistes, que le gouvernement ait réellement mesuré le danger qu’il fait courir à nos concitoyen·nes.
Ajoutons que cette loi suscite dans nos rangs une profonde gêne, dans le contexte de violences policières largement médiatisées et documentées, en particulier à l’encontre des personnes racisées. Le fameux article 24, à la rédaction hasardeuse, pénalise en effet la captation d’images de policiers en missions.
Pourtant, c’est précisément cette captation d’images qui a permis de mettre au jour certains comportements, non-professionnels et violents, de certains agents de police. Si nous travaillons volontiers avec l’institution policière dans le cadre de la répression et de la prévention des injures et agressions homophobes, cette même institution doit pouvoir être critiquée librement, et contrôlée dans un cadre démocratique.
Une opposition partagée
Certaines de nos inquiétudes sont partagées par plusieurs institutions officielles indépendantes. Ainsi, la Défenseure des Droits a rendu des avis très sévères sur cette proposition de loi les 3 et 17 novembre derniers. La Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme a rendu un avis non-moins alarmant.
Enfin, l’Organisation des Nations Unies a elle-même transmis un rapport très inquiétant le 26 novembre dernier : “les dispositions [de la loi] sont susceptibles de porter une atteinte disproportionnée à de nombreux droits, libertés fondamentales et principes généraux de droit, de manière non conforme aux obligations énoncées dans les traités internationaux, essentiellement relatives au droit à la vie privée, à la liberté de réunion pacifique, à la liberté d’expression et au principe de responsabilité pénale pour violation des droits de l’homme”.
Pour le retrait
Dans un tel contexte, Équinoxe se prononce pour le retrait de la proposition de loi Sécurité Globale. Rappelons que, l’année de sa fondation, Équinoxe s’était mobilisée contre la mise en place du fichier Edvige, fichier de police qui prévoyait d’enregistrer des données sur l’orientation sexuelle des personnes et leur état de santé (notamment leur éventuelle séropositivité au VIH). Douze ans après, Équinoxe exprime toujours le même attachement aux libertés individuelles et à un contrôle étroit des pouvoirs d’une police qui – comme outil – peut faire le meilleur comme le pire !
Avec nos amis et allié·es de la Ligue des Droits de l’Homme, nous attirons l’attention de nos membres et de nos sympathisant·es sur cette question, en ne se focalisant d’ailleurs pas exclusivement sur la crise de l’institution policière, mais en portant un regard lucide sur l’exigence de préserver les libertés face à la tentation sécuritaire d’une surveillance de masse de plus en plus envahissante.
La place des militant·es d’Équinoxe qui le souhaitent est évidemment aux côtés des citoyennes et des citoyens qui ont appelé au rassemblement contre cette proposition, samedi prochain à 14 h 30 sur la Place Maginot, aux côtés – entre autres – de nos partenaires et ami·es de la Ligue des Droits de l’Homme.
Nous appelons toutefois à la prudence : selon les initiateur·ices du rassemblement , le risque de violences n’est pas à écarter. Les personnes en situation de vulnérabilité et de précarité devraient donc éviter de s’y rendre. La Ligue des Droits de l’Homme met à disposition un modèle d’attestation à télécharger.