Déclaration commune des associations LGBTI+ et allié·es de Nancy : Equinoxe · Association Nationale Transgenre · Spoutnik · Aides Nancy · Délégation Lorraine de SOS Homophobie · Honneur aux Dames · Fédération LGBTI+
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Réunies le 19 août 2019, les associations LGBTI+ locales, représentatives et militantes, ont analysé la situation de Nancy à quelques mois des élections municipales, avec le retrait, le 10 août dernier, de la délégation que le maire de Nancy, M. Laurent Hénart, avait accordée à Pierre de Saulieu, jusqu’alors conseiller délégué aux écoles.
Cette déclaration est destinée à la presse, aux militant·es associatif·ves de la région et du pays, surtout celles et ceux qui n’auraient pas suivi les événements de la fin de l’été, qui ont produit leur effet dans le microcosme politique nancéien.
Les faits : tout sauf un “dérapage”
Les faits concernent Pierre de Saulieu et son compte Twitter. Le personnage est tristement connu au sein des milieux politiques nancéiens, en particulier sur les bancs du conseil municipal. Pierre de Saulieu, élu municipal depuis 2014, est conseiller délégué aux écoles. Il est cadre régional de “Sens Commun”, le courant politique issu de la Manif pour Tous, et affilié à l’ex-UMP.
C’est également un militant catholique intégriste. Il a participé cette année à la Fête-Dieu, une procession catholique mêlée de prières de rue. Il a même publié des photographies de cet événement sur son propre compte Twitter d’élu (quid de la neutralité religieuse attendue des élu·es de la République ?).
Il relaie régulièrement – et ce depuis des années – les éléments de propagande de la Manif Pour Tous, de Sens Commun et discute quotidiennement avec ses ami·es homophobes et transphobes sur les réseaux sociaux.
Mais le parangon de la droite la plus conservatrice à Nancy, encouragé par la trop longue impunité que lui ont accordé, cinq ans durant, le maire de Nancy et son équipe municipale, a fini par aller trop loin. Depuis son lieu de villégiature, aux Sables d’Olonne, le 4 août 2019, il publie un tweet à un “ami” sur Twitter par lequel il amalgame l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux personnes LGBTI+ avec la zoophilie. Le 7 août, le compte Nancy Politics s’indigne, et le 8 août, le tweet de Pierre de Saulieu provoque un tollé parmi les membres du conseil municipal.
Ce jour-là, des membres de l’opposition relaient le post du Centre LGBTI+ de Nancy, expriment leur indignation et condamnent l’auteur du propos. L’opposition demande au maire de Nancy le retrait de sa délégation à Pierre de Saulieu. En effet, il joue un rôle symbolique important dans l’éducation primaire des élèves de Nancy : on ne peut pas laisser à ce poste un homme qui aura fini par injurier publiquement des familles de la ville.
Deux membres de la majorité et de l’exécutif, Franck Pilcer et Lucienne Redercher, jusque-là tolérant•es avec leur collègue homophobe, publient un communiqué par lequel la délégation aux “droits de l’homme” (et de la femme ?) condamne les propos de Pierre de Saulieu. Ils ne demandent toutefois pas le retrait de sa délégation aux écoles, et lui réaffirment même leur solidarité. Leur post est “liké” par Laurent Hénart.
Le 10 août, l’Est Républicain publie un premier article nettement critique qui fait rapidement mouche, vis-à-vis des complaisances d’un maire resté jusque là sur la réserve. On y apprend que la délégation de Pierre de Saulieu lui est finalement retirée.
Pour autant, si critique et exhaustive qu’elle fut, c’est à tort que la presse régionale parle de “dérapage”. Selon nous, l’attitude de Pierre de Saulieu était conforme à une affiliation politique de droite radicale, hostile à l’égalité des droits pour les personnes LGBTI+. Parler de “dérapage” revient à minimiser et à dépolitiser le tweet de Pierre de Saulieu, dont l’affiliation à l’homophobie la plus active sur le plan politique était connu de tou·tes, en particulier du maire lui-même.
Mais la question n’est pas de savoir s’il s’agit ou non d’un dérapage. La véritable question est la suivante :
Comment se fait-il que cet extrémiste notoire ait pu rejoindre la majorité municipale de M. Laurent Hénart, y siéger et y participer cinq ans durant, en qualité de conseiller délégué aux écoles ?
2014 : le retournement de veste de Laurent Hénart
Autrefois, la Ville de Nancy avait une tradition d’ouverture. André Rossinot, figure tutélaire de la politique municipale, avait pour tempérament de discuter avec tout le monde. Quelles que soient ses affiliations politiques, c’était un maire conservateur mais accessible et pragmatique.
En 2011, Laurent Hénart, ancien ministre et adjoint à la culture, se présentait comme l’héritier de cette politique. ll signait alors l’ensemble de la plateforme de revendications du Collectif LGBT Lorraine, organisateur de la Marche des Fiertés LGBT de Nancy. Cette plateforme comprenait le mariage pour tou·tes, l’égalité face au don du sang, le changement d’état civil libre et gratuit pour les personnes transgenres, et la PMA pour tou·te·s.
La recomposition de la droite française
En 2013 eurent lieu les manifestations LGBTIphobes contre le mariage pour tou·tes.
Dans ce contexte, et après la lourde défaite de Nicolas Sarkozy et de la droite aux élections de 2012, l’UMP y vit une opportunité pour se recomposer. Bien des femmes et des hommes politiques s’engagèrent au parlement, dans les collectivités locales et dans la rue contre ce projet de loi. Les LGBTIphobies sont devenues – pour la grande majorité de la droite française de l’époque – un axe structurant de leur recomposition politique.
En 2013, Pierre de Saulieu et Valérie Debord (actuelle adjointe au maire) manifestaient ensemble dans les cortèges de La Manif Pour Tous. Valérie Debord entretint des relations politiques étroites avec Pierre de Saulieu.
C’est dans ce contexte que, deux ans après l’élection de François Hollande comme Président de la République, les élections municipales furent – comme à l’accoutumée – l’occasion de tractations politiques.
Cette période fut alors marquée par une explosion des actes et des propos homophobes : injures, menaces de mort, agressions, meurtres, comme en atteste le rapport annuel 2017 de SOS Homophobie.
L’alliance Hénart – Debord – De Saulieu
Cette élection municipale fût âprement disputée, Laurent Hénart se tourna vers la droite radicale et fit alliance avec elle, mais aussi et surtout avec ses idées. Plusieurs opposant·es au mariage pour tou·tes firent irruption sur la liste dirigée par le futur maire de Nancy :
- Valérie Debord (qui avait manifesté en tête des cortèges de La Manif Pour Tous),
- Fanny Giussani (proche d’“Alliance Vita” et future adjointe qui déclara qu’elle ne marierait jamais de couples homosexuels),
- et Pierre de Saulieu (futur élu de “Sens Commun”).
Les deux premières furent nommées adjointes, et Pierre de Saulieu désigné conseiller délégué aux écoles (poste symbolique à une époque marquée par la polémique et les fake news autour du pseudo « enseignement de la théorie du genre » et de l’ouvrage “Les ABCD de l’égalité”).
En plus des concessions sur les postes, Laurent Hénart retourna sa veste sur les valeurs : plus aucun soutien, moral et matériel, aux associations LGBTI+ représentatives, ni aux revendications d’égalité qu’il soutenait autrefois. Avec la ferveur des nouveaux convertis, il déclara son opposition à la PMA pour tou·te·s, mais également à l’éducation contre les LGBTIphobies.
Saulieu : “un homme respectable” selon Laurent Hénart
Ces nominations ont suscité une vive émotion pour les militant·es LGBTI+ de Nancy. Equinoxe et l’Association Nationale Transgenre (ANT) publièrent un communiqué commun épinglant le maire pour ce retournement de veste.
De leur côté, quelques micro-associations, qui devinrent plus tard “le Kreuji”, furent convoquées en urgence à une réunion en présence de Pierre de Saulieu. Ce dernier affirma avec force qu’il ne marierait jamais de couples homosexuels. Les associations présentes se déclarèrent malgré tout “rassurées” quant à leur projet de “Maison LGBT” municipale, soutenue à bout de bras, et financée par Laurent Hénart et la Ville de Nancy.
De son côté, Laurent Hénart répondit à nos critiques dans l’Est Républicain le 22 avril 2014, avec ce propos, stupéfiant d’arrogance, dont la portée réelle se mesure aujourd’hui : « Le temps des donneurs de leçons et des oukases est terminé. Pierre de Saulieu est un homme responsable et un parent d’élève respectable, qui d’ailleurs croise tous les matins Nicole Creusot (n°2 sur la liste PS) à St-Sigisbert. Il est temps de remettre les valeurs de tolérance à l’ordre du jour, en balayant a priori et préjugés. Tout cela va finir par s’évacuer et je n’ai pas à être mis en cause dans ce type de procès d’une autre époque. »
De l’homophobie au pinkwashing
Il est toutefois clair que l’opportunisme électoral ne fait pas une politique : la Ville de Nancy a dû œuvrer à sauvegarder son image de ville ouverte, autrefois tolérante et modérée, pour tâcher de faire oublier la présence des élu·e·s homophobes au conseil municipal.
Pinkwashing
C’est ce que nous appelons “pinkwashing” : le fait de déclarer son attachement public à l’égalité des droits, mais de se limiter en réalité à un affichage démagogique, tout en adoptant des pratiques résolument contraires.
Pour ce faire, la Ville de Nancy a commencé par opérer un tri entre les associations complaisantes vis-à-vis de La Manif Pour Tous et de la politique du maire, et celles, de plus en plus majoritaires, qui restaient fidèles à leurs revendications et refusaient toute compromission sur les valeurs. Elle s’est engagée dans de dispendieuses opérations de communication. Mais sur des dossiers importants, l’amateurisme de l’équipe du maire de Nancy n’a cessé de susciter l’indignation des communautés LGBTI+.
Rupture d’égalité entre associations LGBTI+
Particularité nancéienne, il y a dans cette ville des associations LGBTI+ actives et reconnues. Pourtant, la municipalité préfère travailler exclusivement avec les groupuscules qui ne font que s’inscrire dans « le système Hénart ».
En 2014, malgré tout, Equinoxe et l’ANT participaient encore au comité de pilotage de ce qui deviendrait la Maison LGBT municipale, de fait rapidement placée sous tutelle, puis sous le contrôle total de la mairie. Dans ce contexte, les deux associations ont pris acte de ces faits en quittant un projet totalement verrouillé sur le plan politique, peu pérenne sur le plan financier. Le 31 mai 2014, lors de la Marche des Fiertés de Nancy, les organisateurs de la Marche des Fiertés LGBT refusèrent la prise de parole à Lucienne Redercher, adjointe au maire de la Ville de Nancy.
Depuis lors, la Ville de Nancy a rompu toute relation de partenariat avec le Centre LGBTI+. Situation inédite en France : plus aucune subvention ne fut versée à Équinoxe et à l’ANT.
D’un autre côté, les associations LGBT s’inscrivant dans le système furent inondées d’argent public. “Le Kreuji”, carrefour de toutes les compromissions, ouvrit en juin 2014 au cours d’une inauguration en grande pompe.
Mais les illusions furent de courte durée. En 2016, nous avons assisté à la discrète fermeture de la “Maison LGBT” municipale. En 2017, une Maison sans toit et sans murs rouvrit rue des Quatre Églises, avant de fermer pendant seize mois, à partir de janvier 2018, dans le plus grand secret, et sans que cela ne l’empêche de recevoir ses 10.000€ annuels de subvention de fonctionnement. Le 13 mai 2019, la Maison LGBT municipale inaugura un local minuscule, mais flambant neuf (et construit spécialement par l’Office Métropolitain d’Habitat), annonçant – dans son discours d’inauguration – avoir acheté un nouveau logo et des nouveaux supports de communication.
Les subventions coulent à flot (plusieurs dizaines de milliers d’euros depuis sa création), mais la Maison LGBT du Maire, étrangement, n’a plus les moyens de payer ses factures. Sur le plan bénévole, cet organisme repose sur bien peu de bras : c’est Franck Porterat lui-même (Directeur de service – “Mémoire, Intégration et Droits de l’Homme” de la Ville), qui est présent sur le terrain. Au surplus, le bilan de l’association, pourtant grassement subventionnée, est très maigre, au point que son rapport d’activité 2018 mentionne même… l’ouverture du compte EDF (voir extrait du Rapport d’activité pour l’an 2017 ci-dessous).
Mais le problème, avec cet organisme étrange, ne se pose pas qu’en termes d’équilibres financiers et de cohérence du projet associatif. Il se pose aussi en termes politiques et militants.
Ainsi, le 27 septembre 2014, “le Kreuji” a laissé s’installer la tête de liste du Front National (Pierre Ducarne) derrière son stand, au Forum des Associations, sous la banderole de l’Autre Cercle. Ce n’était pas nouveau : déjà en septembre 2013, Equinoxe avait épinglé l’une des associations membres du Kreuji pour ses rencontres avec un emissaire du Rassemblement Bleu Marine. Cette histoire suscita un vif émoi au sein du mouvement LGBTI+ de Nancy et de France… mais également au Front National lui-même, puisque certains cadres dénoncèrent finalement la collusion de leur ancienne tête de liste avec les “communautaristes”.
Le positionnement kreujiste a-t-il évolué ? Nous en doutons fortement. En mai 2019, à l’occasion de l’inauguration de ses nouveaux locaux, “le Kreuji” n’a rien trouvé de plus pertinent que d’inviter Jordan Grosse-Cruciani, transfuge du Front National (où il était un cadre régional de longue date) vers Les Républicains, dont on connaît l’actuelle appétence pour l’égalité des droits…
Des initiatives LGBTI+ purement symboliques, sans consulter les associations représentatives
Dans la période allant de 2016 à nos jours, la Ville de Nancy a tout de même engagé des actions symboliques, de communication, tentant de faire passer Laurent Hénart pour un parangon de vertu LGBTIfriendly.
Ainsi, le 6 octobre 2016, la Ville de Nancy signait la “Charte d’engagement” de l’Autre Cercle, association membre de la Maison LGBT. Elle tenta une opération de communication autour de cette cérémonie. Les critiques n’allaient pas pour autant s’évacuer, comme l’avait déclaré Laurent Hénart en 2014. Les associations LGBTI+ de Nancy pointèrent la contradiction entre les engagements politiques du Maire aux côtés de La Manif Pour Tous, et de l’autre une opération de communication relevant exclusivement du “pinkwashing”.
En effet, nous rappelions que toutes positives que soient les clauses de la charte d’engagement, aucune ne pouvait se substituer à un accord contraignant, impliquant les organisations représentatives des personnels. Ces “politiques” ne font l’objet d’aucune évaluation. Au surplus, la Ville de Nancy s’engagea alors à « former ses personnels ». La page “Nancy Friendly” de son site internet le proclame aujourd’hui : ses personnels seraient « bien formés ». On se demande bien par qui ces formations auraient pu être délivrées, vu que la Ville de Nancy a rompu les ponts avec les associations LGBTI+ représentatives. Comme nous le verrons plus loin, cette prétention est invalidée par l’expérience.
Mais surtout, la Ville de Nancy s’est ostensiblement engagée dans des actions purement symboliques. Les “17 mai” organisés par la Ville de Nancy n’offrent aucun programme militant. Les associations LGBTI+ majoritaires à Nancy ne sont de toute façon jamais consultées, et découvrent par voie de presse le programme (consensuel et peu revendicatif) de ces événements. Enfin, c’est Franck Porterat lui-même qui met en œuvre les quelques actions proposées sur un plan technique et opérationnel (y compris le montage des stands…).
Imaginerait-on un cycle sur la « French Tech » sans les entreprises françaises de technologies ? Une conférence sur les droits des femmes sans inviter le Planning Familial ? Une rencontre sur le bâtiment sans les entreprises du bâtiment ? Un forum sur l’enseignement supérieur sans l’Université de Lorraine ? Non. Et pourtant, ce qui serait jugé impossible pour la plupart des secteurs des politiques publiques l’est bel et bien sur la politique LGBTI+ de la Ville de Nancy.
La réalité des pratiques
Que la Ville s’engage dans des opérations d’affichage en soutien aux communautés LGBTI+ ne poserait pas de problème si la réalité des pratiques de la Ville de Nancy n’avait pas conduit à des fautes graves, pour lesquelles la municipalité n’a jamais fait amende honorable. En voici deux illustrations.
Homophobie municipale
Fin mai 2015, nous avons alerté l’adjoint à la sécurité, M. Gilbert Thiel, d’un incident survenu le 17 mai entre les militant·es d’Equinoxe et un agent de la police municipale. Les militant·e·s portaient alors des pancartes « l’homophobie tue ». L’agent de police avait alors exprimé ses interrogations en déclarant que l’homophobie ne tuait plus de nos jours. Le Centre LGBTI+ a alors proposé à l’adjoint d’animer une formation des agent·es de la police municipale. Cela lui a été refusé sans ménagement.
Transphobie municipale
En 2016, la majorité PS-EELV adoptait le projet de loi Justice du 21e siècle. Dans cette loi, la France adoptait une réforme incomplète du changement de prénom. Si les associations militantes ont vite pointé la tiédeur du texte, elle a fait porter une lourde responsabilité aux bureaux d’état civil des municipalités : celui de traiter les demandes des administré·es transgenres souhaitant changer de prénom.
L’Association Nationale Transgenre eut l’occasion de rencontrer les dirigeants municipaux à l’Elysée, le 30 juin 2016 (alors que François Hollande avait convoqué une réunion du monde associatif LGBTI+). Elle proposa alors à la Ville de Nancy de l’accompagner dans le protocole de changement de prénom. Mais, malgré leur geste de bonne volonté, aucune réunion ne fut jamais initiée par la Ville.
Ce qui devait arriver arriva. Alors que la plupart des grandes municipalités avaient anticipé la question, le bureau d’état civil nancéien envoya des courriers à ces administré·es sous leur prénom de naissance, procédant ainsi à un outing systématique, transphobe, les exposant à des risques de représailles sur leur lieu de vie. Malgré les alertes de l’ANT, la Ville de Nancy ne réagit pas.
Il a fallu attendre 2018, et la prise de parole d’Equinoxe lors de la Marche des Fiertés LGBTI+ de Nancy, pour que le maire ne daigne réagir. Il déclara, par voie de presse le 26 juin 2018 :
« Le traitement administratif, notamment les correspondances écrites, était jusqu’alors toujours en corrélation avec le genre mentionné dans l’état civil au moment de l’envoi du courrier. Laurent Hénart s’est assuré il y a quelques semaines auprès du service municipal que cette application s’accompagne de la meilleure bienveillance possible afin que le traitement administratif, notamment les correspondances écrites, soient en corrélation avec le genre par lequel se définissent les demandeurs ».
Que vaut, dans ces conditions, toute la logorrhée municipale : “Nancy Friendly”, “Nancy humaniste”, alors que la Ville de Nancy est à la traîne de toutes les politiques LGBTI en France ?
Nancy a perdu cinq ans !
Faute de politique cohérente et de relations partenariales avec les associations LGBTI+ de Nancy (à l’exception de la Maison LGBT municipale), Nancy a perdu cinq années dans des tergiversations, compromissions et rodomontades.
Les associations LGBTI majoritaires continuent de se développer, en toute indépendance de la municipalité. Elles regroupent à ce jour plus de 300 adhérent.es. Toutes les actions de terrain menées se font sans l’appui, et même en dépit, de la Ville de Nancy. Elle est la seule grande ville de France à ne soutenir ni financièrement, ni politiquement, ni son Centre LGBTI+ représentatif, ni même “sa” Marche des Fiertés.
Un drapeau qui pendouille un jour par an au frontispice de l’Hôtel de Ville ne vaut rien sans un engagement politique clair contre les LGBTIphobies, un soutien réel aux associations représentatives des personnes concernées, et un appui aux projets qui les inscrivent dans un dialogue institutionnel efficace.
Les enjeux sont nombreux. Nancy a perdu cinq ans dans la lutte contre le VIH/SIDA et les IST en direction des personnes LGBTI+ et n’a donc mené aucune politique de santé digne de ce nom. En effet, on connaît depuis longtemps le lien entre discrimination et santé, dans l’acceptation de soi et la capacité à prendre soin de soi, à se protéger et à protéger les autres. Car la lutte contre les LGBTIphobies est d’abord une question de santé publique. A ce titre, il ne s’agit pas d’une question idéologique : elle relève de la responsabilité des élu·es. Nous attendons de notre personnel politique qu’il prenne au sérieux ces questions de vie ou de mort.
Dans ce contexte, beaucoup peut encore être fait pour rattraper ce retard, à commencer par l’information des médecins et des personnels de santé, et un appui beaucoup plus considérable aux associations engagées dans les formations et des actions de santé publique à destination des personnes LGBTI+.
L’heure des comptes
À quelques mois des municipales, le retrait de la délégation de Pierre de Saulieu est à l’évidence une victoire et un soulagement pour les personnes LGBTI+, leurs proches et leurs familles, mais également pour celles et ceux qui s’attachent à l’égalité des droits. Elle s’accompagne de la décision du maire de ne pas inscrire de membres de “Sens Commun” sur la liste qu’il conduira l’an prochain.
Cette victoire a toutefois un goût amer. Bien sûr, nous sommes habitué·es aux revirements d’élu·e·s préoccupé·es avant tout par leur réélection. Mais nous regrettons vivement que les valeurs d’une collectivité aient – pendant cinq longues années – été sacrifiées sur l’autel de l’opportunisme électoral. Laurent Hénart a saisi l’opportunité de se débarrasser de Pierre de Saulieu, qui était la pierre angulaire de notre argumentaire dénonçant sa politique LGBTI absurde, mais nous n’aurons pas la naïveté de croire que la proximité des municipales n’y est pour rien, puisque « l’homme respectable » jusqu’ici cher à Laurent Hénart et à la majorité municipale sortante aura conservé son poste pendant cinq ans et demi.
Il nous importe que les élu·es et les collectivités fassent preuve de cohérence et de clarté sur leur engagement républicain en faveur de l’égalité des droits. Il nous importe que le principe de laïcité soit respecté en toutes circonstances, et qu’aucun·e élu·e ne laisse les bigots s’infiltrer au cœur du pouvoir, et au détriment de la République elle-même. Il nous importe que les élu·es fassent preuve de responsabilité, en mesurant la portée des décisions politiques qu’ils prennent : sur l’éducation, sur la santé, sur la sécurité des personnes.
À l’occasion des élections municipales de mars 2020, fidèles à notre tradition d’indépendance et de respect de la diversité des adhérent·es de nos associations, nous ne prendrons le parti d’aucune liste, et nous n’appellerons au vote en faveur d’aucune liste au premier tour. Toutefois, le Centre LGBTI+ de Nancy et ses partenaires seront conduit·es à mobiliser leur expertise au service des choix conscients des électeurs et des électrices.
À quelques mois des municipales, nous tirons donc un bilan désastreux de la politique de Laurent Hénart à l’égard des personnes LGBTI+ et des associations qui s’engagent, bénévolement et quotidiennement, pour créer les conditions de leur intégrité, de leur sûreté et de leur épanouissement personnel.